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Jeux paralympiques : une affaire française de couples et de triathlon

C’est l’histoire d’un ménage à quatre, en tout bien tout honneur paralympique, battements de cœur et souffles mêlés. Lundi 2 septembre, le triathlète Thibaut Rigaudeau et son guide Cyril Viennot s’élanceront depuis le ponton flottant au pied du pont Alexandre-III dans la catégorie PTVI (déficients visuels) pour 750 m de crawl, 20 km à vélo et 5 km en course à pied. Cinq minutes plus tard, la compagne de Thibaut Rigaudeau, Héloïse Courvoisier, plongera à son tour dans la Seine, guidée par… Anne Henriet, la femme de Cyril Viennot.
Au départ, avant les liens du cœur, seule la paire masculine était « liée » au sens propre, attachée par un élastique de 80 centimètres pour nager et reliée à la taille par une cordelette de 50 centimètres pour courir. Après une longue carrière de triathlète, Cyril Viennot, champion du monde longue distance en 2015, décide de prolonger l’aventure en duo, encouragé par la Fédération française de triathlon. A l’été 2019, il devient le guide de Thibaut Rigaudeau. L’ancien joueur de l’équipe de France de cécifoot – il souffre d’une maladie génétique, la rétinite pigmentaire – vient de basculer sur le triathlon après une rupture des ligaments croisés.
« Notre binôme, ça va un peu au-delà du sport parce qu’il connaît toute ma famille, je connais toute la sienne. On est déjà partis en vacances ensemble donc on se connaît très bien », racontait Cyril Viennot, lundi 26 août au Club France, lors du point presse du para triathlon en marge des Jeux paralympiques.
Arrive la pandémie de Covid-19. Au sortir du confinement, quand Héloïse Courvoisier rejoint son compagnon en stage dans le Jura, où sont installés les Viennot-Henriet, les deux couples de sportifs sympathisent. Thibaut Rigaudeau a déjà sa petite idée derrière la tête. En juillet 2020, sa chère et tendre Héloïse Courvoisier, elle-même née avec un rétinoblastome (un cancer de la rétine), déballe en guise de cadeau d’anniversaire un tandem.
La jeune femme de 27 ans, qui a pratiqué l’aviron à haut niveau, l’essaie avec Anne Henriet (43 ans), ancienne triathlète. « Elles se sont prises au jeu. Trois semaines après, elles ont décidé de faire les championnats de France ensemble », retrace Thibaut Rigaudeau. « A la base, il n’y avait pas d’ambition, c’était un défi, complète Cyril Viennot, devenu le coach du binôme féminin. Et vu qu’Anne a eu un bon niveau en triathlon, c’était logique qu’elle guide Héloïse parce qu’on se retrouvait souvent en dehors du triathlon. Et puis voilà, ça a été très, très vite pour elles et on a rapidement été ensemble lors des sélections en équipe de France. » Quand les duos ne sont pas en stage, ils se préparent séparément. A Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine) pour le couple Courvoisier-Rigaudeau, à Dole (Jura) pour les Henriet-Viennot.
Qui dit para triathlon puissance quatre, dit au quotidien une organisation millimétrée, une seconde nature quand on est triathlète. « Cyril et Anne ont deux enfants [de 13 et 9 ans], donc pour les garder, on est partis en stage en décalé cette année, explique Thibaut Rigaudeau, qui fêtera ses 34 ans le 4 septembre. On essayait de jongler un peu entre les vies de tout le monde, ça a été assez stimulant pour tous parce qu’on a continué de progresser tous les deux et tous les quatre. »
Faire les Jeux à la maison à quatre, « c’est très particulier, mais plus la course [du 2 septembre] approche, moins on y pense parce qu’on est de plus en plus concentrés sur la performance », ajoute Cyril Viennot. Aux derniers Jeux, à Tokyo en 2021, le binôme avait fini au pied du podium et est solidement installé dans le Top 3 mondial depuis trois ans. Leurs titres de vice-champions du monde en 2022 et en 2023 les « autorisent » à rêver d’une médaille, même si leur catégorie est très concurrentielle. « Elle se joue à quelques secondes près, ajoute le guide de 42 ans. Donc on sait que si on loupe une transition, par exemple, on peut perdre une place très vite. »
Leurs compagnes, elles, ont moins de pression pour leur baptême paralympique. Sixièmes des championnats d’Europe de Madrid en 2023, Héloïse Courvoisier et Anne Henriet font, certes, figure d’outsiders, mais le parcours parisien, assez technique avec ses redoutables pavés, pourrait bien rebattre les cartes.
Le scénario idéal, ce serait « d’avoir tous une médaille, c’est sûr. Après ça ne sera pas simple. Et puis, égoïstement, je préfère que ce soient elles qui se loupent que nous ! », se marre Cyril Viennot. Les deux femmes n’ont pas dit leur dernier mot. Dans un décor aussi impérial que romantique, gare au retour de flamme.
Elisabeth Pineau
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